Sur l'éphémérité du bonheur

Sur l’éphémérité du Bonheur

 

Nous avons la tendance naturelle à croire que le Bonheur constitue une situation à laquelle il n'y a aucune souffrance. Par exemple, le Bonheur, ce serait, pour les uns, une relaxation exclusive. Ce serait encore, pour les autres, une émotion de joie, dont, là encore, l'esprit jouit authentiquement. Dans cette atmosphère de paix, il semble que le temps n'existe pas - et c'est bien pour cela qu'il n'y a aucune souffrance lorsque l'on vit ce Bonheur.

 

Il apparaît immédiat que ce genre de Bonheur, idyllique pour tous, est impossible à atteindre, et ceci parce que l'Homme est un être pourvu de désirs, source de projections vers une situation jugée meilleure que celle présente, à moins que le Bonheur ne nous donne aucun désir, donc aucun objet source de désir. Ce Bonheur-là est immatériel en ce sens : il ne nécessite pas d'objet, puisqu'objet de conscience implique désir, et qu'il n'y a pas de désir dans le Bonheur défini plus haut.

 

Nous voyons qu'un tel Bonheur ne peut exister qu'en milieu de non consommation, c'est-a-dire hors du temps et hors de l'espace d'une société, d'un État, puisque dans tout État existent nécessairement des échanges d'objets, un commerce, sources de désirs - un désir n'étant jamais inné -. Une question découlant est : peut-on tout de même avoir accès au Bonheur comme vu plus haut ?

 

On peut constater, à travers ce raisonnement, que le Bonheur s'apparente à une situation de prise de recul par rapport à la société. Cette prise de recul semble possible à travers des vacances, où l'on quitte l'espace physique de source de désirs, de commerce. Mais qu’en est-il de l'acte de quitter la dimension temporelle, au sens - plus large que la notion de la durée ou de celle de l'histoire - de la pensée ? Ne dit-on pas, en effet, que le temps s'arrête lorsque l'on est en vacances ? Dès lors, comment se déconnecter du monde de consommation ? En fait, le temps est ici (et même généralement lorsqu’il a perception de phénomène) intimement scellé dans la conscience en tant qu’intuition, purement dénouée de toute expérience (d’après Kant).

 

Si l'homme est un être de désirs, on voit difficilement comment une telle déconnection est possible, puisque le désir est le moteur de la conscience. Et pourtant, ce qui sépare le passé du futur ne serait-it qu'une frontière qui constitue le présent (contrairement à ce qu’affirmait Sartre) ? La focalisation sur cette frontière permet la destruction du temps dans la conscience. Accéder à l'atemporalité du Bonheur, c'est donc réduire la conscience à l'instant de toutes les secondes réelles, et cela seul.

C'est donc ne pas réfléchir, ne pas se projeter, et aussi oublier qui on est, ce que l'on est, mais tout en demeurant ce que l'on est et qui on est à travers la présente activité (Cf. la théorie de l’oubli, Nietzsche).

 

En ce sens, ce Bonheur ne peut qu'être éphémère, puisque l'on ne peut oublier qui on est et ce que l'on est, et ceci d'autant plus que l'on acquiert de l'expérience : on ne se rend compte que l'on a touché cet instant de Bonheur que lorsque l'on n'y est plus. En effet, le Bonheur n'aurait aucun sens sans son antagoniste, le non-Bonheur (dont le "malheur" fait parti). Le Bonheur est donc une succession de petits instants d'une vie sur lesquels, pour y avoir accès, il faut savoir focaliser sa conscience. En conséquence de quoi, la vie d'une personne est une succession d'alternances Bonheur/non-Bonheur, alimentée par l'ensemble des désirs de cette personne, puisque la perception et l'interprétation des objets de conscience marquent la frontière entre les deux situations, frontière sur laquelle il faut se focaliser pour éliminer le temps en l'espace d'un instant. Dès lors, le non-Bonheur est une nécessité dans l'existence d'un individu.

 

Concrètement, le Bonheur change d'un individu à l'autre. Pour l'un, le Bonheur est de savourer un cocktail au bord de la plage. Pour l'autre, d'avoir pu trouver de la nourriture et de la consommer. Ces exemples appuient sur le fait que la "consommation" d'un objet de désir peut être source de Bonheur. Ainsi, puisque Bonheur signifie immatérialité, c'est que l'objet de désir a été intégré dans la conscience, et que cette intégration dure le temps de la consommation : l'objet de conscience n'est plus objet de conscience puisqu'il a été intégré. Ainsi, la satisfaction d'un désir est source de Bonheur. Là aussi, on voit que le Bonheur ne peut qu'être éphémère.

Mais il se peut qu'une source de Bonheur soit autre qu'un objet à consommer, c'est-à-dire autre qu'un cocktail ou que de la nourriture. Il peut constituer un instant avec une personne (amis, familles) ou un lieu cher (lieu de vacances, par exemple), voire même un fait (accomplissement d’un travail).

Ainsi, à chaque situation de Bonheur, il existe au moins un moyen au Bonheur, et, comme nous venons de le voir, ce moyen est propre à chacun. Ce moyen est avant tout immatériel car intégré dans la conscience. Rendre conscient ce moyen, c'est identifier l'objet de désir et le consommer, ce moment de consommation détruisant toute autre opportunité de consommation qui alimentera un autre désir. Ainsi, l'individu consommant ne pensera exclusivement qu'à consommer l'objet, réduisant sa conscience à cet instant unique hors de l'espace et du temps.

 

On identifie bien le problème d’une consommation à répétition : le sujet (ou devrais-je dire son Bonheur) devient dépendant des objets de désirs de consommer. Là où la conscience est perpétuellement (i.e. sur une durée limitée par au plus la naissance et la mort) alimentée à répétition, il y a au cours du temps perte d’identité a priori (à rapprocher au sens de Kant, c’est-à-dire indépendante de l’expérience). Le moi gagne davantage en expérience, mais la dépendance reste un problème. Une solution serait d’appliquer la vision épicurienne du désir comme ainsi fait : l’objet de conscience peut-être source de désir de consommation, mais c’est là qu’une prise de conscience devient nécessaire. Consommer l’utile, plutôt qu’objets source de répétitions, et, ainsi, nous consommerons moins. Consommer l’utile, c’est apprendre à trouver un Bonheur authentique avec soi, puisqu’il deviendra indépendant de tout objet de consommation. Entendons-nous bien là : ce que j’appelle « répétition », c’est précisément ce qui fait que la conscience ne progresse pas, et répète tel un disque rayé un processus vain de Bonheur. Vain, parce que la conscience ne peut pas se répéter sans prendre conscience de ce qu’elle a déjà acquis. Ainsi, ce que je nomme « utile », c’est tout ce qui ne masque pas la conscience d’un Bonheur en fait d’illusion.

Pourtant, nous avons vu que le temps devait céder en tant qu’intuition pure sur la représentation des objets (là encore, vision kantienne de l’esthétique transcendantale). C’est, en termes synthétiques, donc que tout moyen pour attendre le Bonheur est l’oubli de la substance provocatrice de la répétition. Nous comprenons alors qu’il faille se débarrasser de cette substance, qui finalement ne porte pas le moi à son exaltation et à sa réalisation.

 

Mais quelle est la substance provoquant la répétition de consommation d’objets amenant à un Bonheur d’illusion pour la conscience ?

 

Concrètement, pour qu’il y ait consommation de tels objets, c’est qu’il y a eu prise de connaissance de ces objets par la publicité. Nous voyons de la publicité partout et concernant toute chose : de l’IPhone dernier cri aux vacances de rêve, en passant par un simple balai-brosse, le commerce de consommation ne redoute jamais d’idées pour éveiller notre conscience de désirs d’un Bonheur d’illusion. Certes, la publicité éveille des désirs, mais elle permet alors de remplir les poches des entreprises qui font le marketing des objets en question. Mais alors puisque ces objets répètent une impression de satisfaction, ces entreprises n’identifient pas un besoin de(on devrait parler de désir ici), mais, bien au contraire, créent un désir jusqu’alors non-existant. Tel est ainsi le moteur d’une activité  consommation : la création de désirs à répétition. L’entreprise qui aura identifié le désir à répétition le plus potentiel, c’est-à-dire dont la répétition aura lieu le plus durablement possible, survivra le plus longtemps. Donc un désir à répétition trouve sa substance dans le temps. Et là, on voit qu’un tel désir ne peut pas constituer un Bonheur parce que le temps ici existe dans la conscience. Le temps ne peut pas exister pour un Bonheur, car ce dernier est éphémère comme montré plus haut. Si vous achetez un IPhone dernier cri, parce qu’il est le dernier cri, ce dernier ne le sera plus au-delà d’un certain moment (très court !), et là vous aurez le désir d’acheter le nouveau dernier cri en prenant connaissance d’une publicité qui l’exposera, et donc aurez le désir de le posséder. On pourrait ressentir une certaine corruption, qui n’aboutit certainement pas au Bonheur.

 

Nous l’avons indiqué plus haut, une prise de conscience s’impose. C’est alors que la substance qui rend effective la répétition est inconsciente : on croit qu’on a « besoin » de l’objet mais lorsqu’on se demande d’expliquer pourquoi, on n’en ai pas capable ou donnons une raison insensée.

 

Désirer un objet à répétition, c’est ne pas désirer ce qui éveille véritablement la conscience hors du temps, et, au final, ne pas savoir qui on est. On retrouve ici la perte d’identité a priori du sujet qui ne se connaît pas. Donc porter le moi à sa réalisation, à son Bonheur, c’est suffisamment connaître le soi. C’est avoir réfléchi à qui on est, ce qui nous caractérise vraiment, et, finalement, ce que l’on désire vraiment par rapport à ce qu’on est. Il faut donc (se) poser des questions, en en commençant par des simples (e.g. pourquoi posséder le dernier cri ? Pourquoi je désire posséder le dernier cri ? Ce sont deux questions bien différentes). Mais cette simplicité ne durera pas, et c’est là qu’un travail sur soi débute. La maxime socratique « connais-toi toi-même » porte ici son fruit universel qui est l’accès au moyen vers son Bonheur propre.

 

Mais réfléchir, et en particulier réfléchir sur soi, c’est nécessairement prendre conscience du temps, et c’est en ce sens que, comme le remarque Levinas, la prise de conscience du temps, c’est celle de sa propre mort. Réfléchir sur soi, c’est accepter sa finitude en tant que soi - incluant conscient et inconscient. La connaissance de soi est le moyen universel d’accès au Bonheur. Ainsi, se connaître soi-même, c’est rendre conscient ce qui est inconscient en soi, et le moyen pour y parvenir est de réfléchir, se poser des questions, mais aussi de savoir y répondre. La philosophie est une science qui peut aider à construire ses idées, et se permettre un art de philosopher sur soi-même. Donc philosopher sur soi-même, c’est se rendre conscient pour accéder à son propre Bonheur. Il vient alors que la substance du non-Bonheur est le droit de philosopher sur soi, et la forme nécessaire en est le temps. Philosopher sur soi, c’est finalement accepter sa propre mort pour ne prendre que le « bon » et devenir heureux. On n’est en effet jamais heureux initialement, car on ne se connaît pas sans s’être réfléchi, mais on le devient au cours du temps en des instants dont le temps n’a pas de signification. Par ailleurs, on voit que se réfléchir, c’est faire exister le temps en soi. Le temps n’a donc pas de sens sans la conscience (une idée de Heidegger et de son concept du moi, le Dasein) car il est le seul (avec l’espace) à nous représenter la succession de phénomènes temporels (mais je n’affirme point ici qu’il n’existe pas hors de la conscience, contrairement à Kant qui le suppute). Or dans le Bonheur d’illusion, il y a, comme nous l’avons vu, des phénomènes temporels, mais pas dans le Bonheur authentique, même s’il ne dure qu’un instant, pour lequel le temps n’a pas de sens.

 

On peut se poser la question : Qu’est-ce qu’un Bonheur authentique ? On peut dire que ce n’est pas un Bonheur à répétition, ce dont nous avons parlé plus haut.

 

Plus précisément, de ce qui a été dit précédemment, on peut dire qu’un Bonheur authentique est un Bonheur qui ne s’oublie pas. En effet, si la théorie de l’oublie de Nietzsche étaye que pour être heureux, il faut oublier, elle ne dit pas qu’il faut oublier ce qui a formé le moi en tant qu’être de Bonheur authentique. Le Bonheur d’illusion cependant, lui, s’oublie en fait assez facilement : ferriez-vous, dans vos souvenirs, la distinction précise entre deux expériences vécues et répétées inlassablement un grand nombre de fois ? Ici, je ne parle pas du souvenir en lui-même, mais d’un souvenir heureux, qui se manifeste vraisemblablement en joie dans l’instant présent, et même s’il n’a guère été ainsi dans le présent du passé, cela n’a pas d’importance. Car ce Bonheur est atemporel, donc l’instant éphémère durant lequel vous pensez à ce souvenir, même s’il n’avait pas procuré un Bonheur lorsque vous l’avez vécu, vous procure un Bonheur. Vous touchez là au Bonheur authentique.

 

Ensuite, un Bonheur authentique doit nécessairement correspondre à une expérience qui vous démasque de vous-même : ce Bonheur lève davantage le voile de l’Inconscient et faire jouir le soi à travers le moi. Autrement dit, vous découvrez une nouvelle partie de vous-même à laquelle vous n’avez jamais songé. Je le dis à nouveau : se découvrir, c’est mieux se connaître soi-même et devenir indépendant des objets de désirs à répétition. Donc ce Bonheur doit vous toucher vous-même et seulement vous-même. De ceci, nous pouvons corréler qu’autrui ne doit jamais servir comme moyen de notre propre Bonheur car il est personnel. Si l’autre est bien présent à nos yeux, c’est alors précisément parce qu’il est une fin-en-soi par rapport à notre Bonheur. L’avantage de cette vision du Bonheur est qu’elle est largement réflexive : ce que je dis pour moi est aussi valable pour l’en-soi de l’autre. Ainsi on retrouve que l’autre n’est nullement un moyen pour mon Bonheur, mais une fin (toujours d’après Kant) : je ne dois pas utiliser l’autre pour atteindre un Bonheur authentique, si ce n’est que pour un Bonheur d’illusion. Ainsi, le désir de l’argent ne serait-il pas une tentative de jouir en dépit de l’autre, car moins potentiel à posséder tout matériel que moi ? Le désir de pouvoir, ne serait-ce pas la même chose ? Ces deux types de désirs utilisent l’autre (les autres) comme moyen à sa propre réalisation d’illusions. Car nous déduisons en effet que ce n’est pas en étant plus puissant que tous que l’on se connaît mieux soi-même. Désirer être le premier est plus une lâcheté qu’une réalisation de son propre Bonheur authentique, puisqu’il va masquer tout moyen d’une connaissance approfondie du soi. Donc un Bonheur authentique est un Bonheur dont le moyen n’est pas l’autre, qui est une fin-en-soi pour la conscience.

 

Un Bonheur authentique, et là est un point plus délicat mais qui se déduit des précédents, c’est un Bonheur qui est accessible tant que l’on possède cette caractéristique essentielle que constitue la conscience de soi. Car la conscience de soi, c’est précisément elle qui induit la faculté de penser soi, mais aussi le monde. Elle véhicule et implique la conscience, donc l’interaction de soi avec les éléments qui y sont extérieurs, pourvu que l’individu possède ses sens. Mais il semble que le Bonheur authentique, toujours aussi éphémère soit-il, reste accessible lorsque l’individu perd ses sens, pour la raison qu’il lui restera son esprit pour penser. Être conscient de soi, c’est pouvoir penser, et ceci constitue l’une des plus solides vérités établies par Descartes via son cogito. Pouvoir être heureux sans plus capter de phénomène, et vivre entièrement dans l’a priori, déjà représenté initialement avant la perte des sens, est là un point non trivial qui mérite que l’on s’y attarde. Une fois ce point validé, on pourra conclure, gardant le point de vue kantien en tête, que le Bonheur authentique est un constituant pure de l’a priori, i.e. du monde des Idées (je ne fais en effet pas ici la différence entre Platon et Kant bien qu’il y en ait au moins une, mais là n’est guère la question), dénué de toute expérience et d’interaction phénoménale. Je ne dis pas alors que, viser un Bonheur authentique, c’est ne plus rien percevoir par les sens, mais que les sens permettent entre autres à la conscience de soi d’atteindre un Bonheur authentique. Nous clarifions ce point maintenant.

 

Kant précise que la connaissance de l’a priori ne s’acquiert autrement que par l’expérience, parce que pour se représenter un objet abstrait tel un triangle ou un cercle, il faut l’avoir d’abord perçu, donc l’ensemble des sens, et plus précisément la sensibilité au sens kantien, c’est-à-dire la faculté de percevoir par les sens, permet l’accès au monde des Idées. Je ne suis pas essentiellement d’accord avec cette vision, parce qu’aujourd’hui, le monde des mathématiques (avancées) est un monde tellement abstrait qu’il peut difficilement se représenter de manière visuelle, spatiale. On peut cependant en développer une intuition de manière, par exemple, kinesthésique. Il convient qu’effectivement les mathématiques sont aujourd’hui enseignées, de manière universelle, le plus « spatialement » possible, mais elles n’en constituent nullement l’essence. Je conçois que toutes les mathématiques peuvent être comprises autrement que par le visuel, par exemple de manière kinesthésique. L’accès à l’a priori ne peut donc pas avoir comme unique moyen les sens. Par ailleurs, le monde des Idées est un monde pure en-soi, dont seule la conscience de soi en est le support. Car être conscient de soi, c’est être capable de se projeter hors de soi et de se voir à travers un point de vue que l’on ne peut pas obtenir via notre expérience sensible. C’est, comme dit plus haut, accepter sa finitude. Il est clair que la conscience de soi ne peut s’acquérir sans les sens, puisque le bébé a besoin de percevoir qu’il est autre que son environnement extérieur. Mais une fois acquise, le fait de pouvoir se projeter en dehors de soi doit constituer une preuve que le monde sensible n’est pas une nécessité à l’accès à l’a priori. La projection en dehors de soi est une abstraction pure, dénuée de toute expérience et de perception phénoménale. Elle peut se passer en tout temps, en tout lieu, et ne dépend plus de la connaissance du sujet, une fois la conscience de soi acquise.

 

Si l’on prend l’exemple d’un sujet condamné à un état paraplégique suite à un accident dramatique, et qui ne peut nullement communiquer de lui-même et est voué à être prisonnier de son corps, cela ne veut pas du tout dire qu’il n’est plus conscient de lui-même. Il n’a peut-être plus de sens, mais lui resterait-il tout de même son esprit pour penser et se projeter, et rien ne vaut une telle aptitude qu’est la pensée à un Bonheur authentique, en s’inspirant, par exemple, d’un vécu avant l’accident dramatique. Lui aussi, parce qu’il est conscient de lui-même, a le droit au Bonheur authentique.

 

Donc la conscience de soi donne accès au monde des Idées indépendamment de toute perception sensorielle, et là est un moyen nécessaire au Bonheur authentique, même s’il reste tout de même clair que les sens peuvent aider, mais ne sont pas nécessaires à l’accès au Bonheur authentique. Il convient que le Bonheur authentique indépendamment des sens implique une connaissance avancée de soi, et c’est ainsi que les mathématiques en constituent un autre moyen, bien distinct, comme dit précédemment, à la sensibilité kantienne.

 

Nous comprenons donc bien que ce que nous pensons être le Bonheur (un cocktail au bord de la plage, un instant de paix avec soi-même, etc.) est en fait très précisément ce qui nous permet, d’un point de vue sensoriel, l’accès au Bonheur. Car alors, le Bonheur est avant toute chose un état d’esprit. Mais selon ce qui est dit plus haut, nous pouvoir avoir accès à un Bonheur authentique autrement que par les sens. Cela signifie qu’un Bonheur authentique n’a pas d’objet de conscience, même si nous croyons pertinemment qu’il en a un : à tout instant et en tout lieu, le sujet doit focaliser sa conscience sur ce qu’il pense qu’il lui indiquerait un Bonheur authentique. Accéder à un Bonheur authentique est donc essentiellement un exercice de pensée a priori sans avoir à utiliser les sens. Autrement dit, pensez l’objet d’un Bonheur authentique et vous cesserez que le temps existe dans la conscience. Mais penser un tel objet, ce n’est pas vivre un instant de Bonheur par les sens, car ce dernier est temporel, mais c’est effectivement vivre une expérience par l’esprit et l’esprit seul. Ainsi, aller au bord de la plage boire un cocktail est effectivement un instant de Bonheur, mais il devient purement a priori si je le pense plutôt que je ne le vis. Le penser et le vivre en même temps procure davantage un Bonheur authentique mais l’un peut se passer sans l’autre. Penser à un Bonheur authentique n’est possible qu’un instant, car besoins ou désirs surgiront tôt ou tard.

 

Nous allons conclure cette petite réflexion sur l’éphémérité du Bonheur. Le Bonheur, atemporel, ne peut exister éternellement car il n’a pas de sens sans l’état de non-Bonheur, sujette à phénomènes temporels. Il ne peut donc qu’être éphémère, mais il est intéressant de caractériser cette éphémérité, ce dont il a été question ici : déjà, nous distinguons un Bonheur d’illusion, purement temporel et économique où le sujet répète ce qu’il pense être des satisfactions, d’un Bonheur authentique, où le temps cesse d’exister dans la conscience. Ce Bonheur est accessible une fois la conscience de soi bien acquise à travers une prise de conscience de la finitude du sujet : c’est davantage ôter le voile de l’inconscient et mieux connaître le soi. Penser à un Bonheur, par exemple via de l’inspiration sensorielle, est là un moyen pour devenir heureux au fil du temps.

 

Julien Riposo

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